Récits de voyage en Orient et exotisme (XIXe-XXe siècles)

Ancien élève de l’ENS de Saint-Cloud, agrégé de Lettres modernes, docteur en littérature française, Guy Barthèlemy a été professeur en Khâgne et en Math spé. Il est spécialiste de l’orientalisme littéraire (essentiellement celui du XIXe siècle), auquel il a consacré une thèse et de nombreux articles. Il a par ailleurs coordonné les notices vouées aux littérateurs dans le Dictionnaire des orientalistes de langue française (Karthala, 2008 et 2012).

        Récits de voyages en Orient et exotisme (XIXe-XXe siècle)

Le XIXe siècle est l’âge d’or des récits de voyages en Orient : intense curiosité pour un monde qui incarne un envers de la société bourgeoise (c’est une autre manière de nommer l’exotisme), et auquel l’Europe est liée par l’Histoire,  des échanges,  des conflits et des influences réciproques, mémoire des Ecritures et du premier christianisme, développement de l’archéologie, expansion des moyens de transports, adéquation de l’écriture viatique avec le goût, né du romantisme, pour le creusement et l’expression de l’intériorité,  toutes les conditions sont réunies pour assurer le développement et le succès de ces récits d’allure souvent très libres, à la forme composite. Les chefs-d’oeuvre du genre sont signés Chateaubriand, Lamartine, Nerval, Gautier, Flaubert, Fromentin - sous bénéfice d’inventaire, et il ne s’agit là, globalement, que de la première moitié du siècle (dont nous ne nous contenterons pas)…. 
Une partie de la critique a tenté, depuis les années 1980, de jeter le discrédit sur ces auteurs, qui seraient les fourriers et les complices de l’impérialisme européen du XIXe siècle, mais nous aurons l’occasion de voir que c’est là une approche critique qui travaille un peu au marteau-piqueur.  
Dans sa préface des Orientales (1829), Hugo souligne le caractère approximatif de l’appellation « Orient », ce en quoi elle se prête à bien des appropriations sur le mode de l’imaginaire. Disons qu’elle renvoie pour l’essentiel à ce que nous nommons aujourd’hui le Moyen-Orient (dans le monde anglophone, on parle plutôt de « Proche-Orient », et la formule a été transposée en français), et aussi qu’elle recoupe assez largement la carte de l’Empire ottoman, sans exclure pour autant la Perse, l’Inde, la Chine et le Japon.    
Mais nous ne nous contenterons ni de cet espace ni de ce type d’œuvre. Pour mesurer l’ampleur de la « ruée vers l’Ailleurs », nous irons voir aussi comment sont traitées d’autres parties du monde (l’Afrique par exemple), et nous intéresserons aussi à la manière dont le roman reflète cette ruée (sans oublier la peinture et la photographie). Ainsi aborderons nous par exemple Au Cœur des Ténèbres, de Conrad (1902), qui par ailleurs donnera lieu à une expérience spécifique : on ne sait pas toujours que le grand film de Coppola Apocalypse now (1979)  est une transposition (absolument remarquable) de cet extraordinaire roman. Une journée sera donc organisée, en partenariat avec le Méliès, dont le premier temps consistera en une projection du film, et le second en une analyse des mécanismes et des enjeux de cette transposition. 
Nous voici donc face à un espace artistique, géographique et historique, très considérable. Nous le parcourrons en pratiquant la lecture d’extraits, à raison de une à trois séances par œuvre.