Philosophie groupe 2

Le retour du religieux.

Existe-t-il aujourd'hui un retour du religieux ? L’actualité nous contraint bien à constater une puissance politique renouvelée du fanatisme religieux, sous les formes du terrorisme ou de la guerre, un regain des affirmations identitaires, structuré autour des origines religieuses et, dans le monde, une démographie favorable aux pays et aux groupes les plus religieux. Mais elle nous montre aussi, et paradoxalement, une individualisation des parcours spirituels et un certain éclatement de la transmission des religions. La mondialisation, les migrations, l’urbanisation ou internet, les conversions, menacent partout les autorités traditionnelles locales et exacerbent leur concurrence. Faut-il alors plutôt voir dans ces phénomènes contemporains un retour du religieux ou une crise des institutions religieuses ? Est-ce même contradictoire ? Le concept de “retour du religieux” a ceci de difficile à cerner qu’on l’annonce plus souvent qu’on ne le constate pleinement. L’histoire des religions, depuis l’Antiquité, ne cesse de nous montrer des mouvements de retour aux sources ou de réveil religieux, mais qui correspondent plus souvent à des réinventions qu’à la restauration d’un ordre antérieur. Peut-être faut-il alors admettre que le discours religieux, en raison de sa structure traditionaliste, ne cesserait de se décrire comme faisant retour vers lui-même, à des valeurs perçues comme originelles ; à l’inverse de la modernité, dont la valeur proviendrait d’une promesse d’avenir qui la forcerait à assumer de constamment se réinventer jusque dans ses principes, Or, si le religieux, comme structure anthropologique, ne cesse de faire retour, les religions, en tant qu’institutions,  conservent une tradition. Faut-il alors simplement assimiler retour du religieux et retour des religions ? Les deux phénomènes se renforcent-ils mutuellement, dessinant la figure d’un lien social qui redeviendrait plus explicitement structuré par les grandes religions collectives, ou s’opposent-ils, les institutions religieuses ne pouvant qu’étouffer, aliéner, ou tout simplement rater, le mouvement réinstituant dont témoigne l’individualisation et la numérisation du fait religieux ? Une telle question apparaît décisive dans un monde où l’alternative aux religions qu’a longtemps constitué le progrès techno-scientifique ne paraît plus si simplement permettre l’édification du paradis sur terre. L’homme ayant largement mis en crise ses raisons d’espérer en l’avenir et en lui-même, quel type de position religieuse pourrait aujourd'hui témoigner d’un retour à la raison plutôt que d’une compensation imaginaire ou d’une fuite en avant ?  Nous rechercherons la réponse à ces questions en méditant des textes écrits à l’aube de notre modernité, à l’orée de ses révolutions scientifiques, industrielles, et politiques. La philosophie de la religion de Jean-Jacques Rousseau, et plus particulièrement ses concepts de religion naturelle et de religion civile, nous aideront à penser un retour du religieux qui ne se réduise pas à une restauration du pouvoir politique des religions, mais puisse constituer un authentique retour à soi, à la nature et aux fondements du contrat social.

Pistes de lecture : 

Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, 1762.

Jean-Jacques Rousseau, La profession de foi du vicaire savoyard, 1762.

Jean-Jacques Rousseau, Lettres écrites de la montagne, 1764.